"Le plus dur pour les hommes politiques, c'est d'avoir la mémoire qu'il faut pour se souvenir de ce qu'il ne faut pas dire."(Coluche)
09h15 le neuf-quinze
Libye : Juppé remanié par BHL
Le nouveau ministre des Affaires étrangères, le vrai, le fort, le tatoué,
celui qui rassemble les diplomates égarés ou indignés, aura donc duré
exactement deux semaines. Ah, cette image impitoyable, saisie par
France 2, de Juppé à Bruxelles, sortant de réunion avec ses homologues
les clampins ministres, et découvrant sur une dépêche que la France
reconnait seule le Conseil National de Transition de Benghazi, et va
lui envoyer un ambassadeur (Boillon ?). On espère au moins que Sarkozy a
tenté de le joindre sur son portable pour le prévenir qu'il était
remanié, et remplacé par BHL. Il fallait mettre le vibreur pendant la
réunion, Monsieur le sauveur ! Beauté du sarkozysme.
> Cliquez sur l'image pour un gros plan <
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Jusque là, l'initiative se défend. Qu'il
faille adresser aux rebelles de Benghazi, aux combattants aux pieds
nus, un signal fort, comme on dit, franc, enthousiaste, qu'on puisse à
la limite un peu forcer la main à l'Europe, oui, oui, oui. Que Sarkozy,
ce faisant, brave les menaces de Kadhafi de révéler...
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...bravo, quel panache ! Mais ce n'est pas tout. Même si l'Elysée ne
l'a pas confirmé officiellement, Sarkozy aurait aussi annoncé aux
dirigeants du Conseil National de Transition qu'il recevait hier que la
France était éventuellement prête, seule, à aller bombarder les
aéroports de Tripoli et de Benghazi. C'est le blog de Vincent Jauvert,
de l'Obs, habituellement bien informé, qui l'assure. Seule ? Oui seule. Ou avec la Grande-Bretagne, comme 14. Et là, c'est évidemment autre chose.
Vive la France, donc, la France seule, la France la première, la France qui chasse "Kadhafi et sa clique"
qu'on honorait voici trois ans, la France qui ne s'encombre pas d'ONU,
ni d'OTAN, ni d'Europe, ni d'Allemagne, ni d'Ashton, ni de Merkel, ni de
débat à l'Assemblée sur les limites, les risques, la stratégie, les
objectifs, les modalités, ni de rien, ni de personne, Vive la France,
qui n'avait pas assez de sa guerre ingagnable d'Afghanistan, et n'a rien
de plus pressé que de se précipiter dans une nouvelle aventure
imprévisible. Vive la France, qui n'a besoin de personne puisqu'elle a
BHL, lequel ayant passé quelques heures à Benghazi, a désigné dans le
JDD les bons et les méchants; puisqu'elle a Guetta lequel, ayant balancé
sa chère Europe par dessus les moulins, joue chaque matin les va-t-en
guerre à France Inter, depuis lundi. En regard de ses innombrables
inconvénients, il fallait jusqu'ici reconnaître à Sarkozy une qualité:
il restait un boutefeu essentiellement verbal. Il n'avait pas encore
précipité le pays dans une aventure militaire. Heureuse nouvelle : il le
démange de combler cette regrettable lacune.
Daniel Schneidermann
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